En haut !

La tristesse du Samouraï : un katana ; un pêché capital et des vies détruites

[Critique du roman La tristesse du Samouraï de Víctor del Árbol]

25 Jan. 2013

Carozine lit La tristesse du Samouraï
Parmi ma (longue) liste au Père Noël figuraient, naturellement, des livres et encore des livres… dont La Tristesse du Samouraï de Víctor del Árbol, chez Actes Sud (version noire), qui est une maison d'édition que j'affectionne particulièrement, mais là n'est pas le sujet de cet article. Le titre étrangement poétique de La Tristesse du Samouraï, sa couverture noire sur laquelle le visage aux grands yeux tristes d'un garçonnet s'affiche dans un parfait ovale rappelant les cadres anciens m'avait attirée (oui, je choisis mes lectures de façon fort superficielle parfois !)... quant à l'histoire de La Tristesse du Samouraï, elle m'a emportée dans un tourbillon de noirceur dont on a du mal à décrocher. Petit détail qui a son importance pour les bourses chagrines, La tristesse du samouraï est, depuis le 4 janvier 2013, en version poche ! Alors... heureux ? (Et non, pour ceux qui se souviennent de cette publicité sur l'alcool, je n'ai pas de string léopard ou de fesses mollassonnes dans un intérieur kitchissime)

Rappelle-toi la devise du samouraï. L'honneur ou le déshonneur ne sont pas dans l'épée, mais dans la main qui l'empoigne. Va en paix, María. La tristesse du Samouraï - Víctor del ARBOL

La tristesse du Samouraï : des destins volés

La tristesse du Samouraï - Víctor del ARBOL [Ed. Actes Sud]
Nous sommes en 1941, par un hiver glacial, sur les quais de la gare de Mérida. Alors que la guerre vient de s'achever pour l'Espagne, le moral de la population est au fin fond des chaussettes et la peur se lit dans chaque regard. Une femme aux jambes longues et fines fume une cigarette, tenant près d'elle un petit garçon. Isabel Mola fuit son mari, Guillermo Mola, chef de la Phalange (groupe proche de Hitler), qu'elle a tenté d'assassiner dans l'espoir de trouver une meilleure vie, en abandonnant derrière elle son aîné, Fernando. Elle est rattrapée in extremis par celui qui fut son amant et l'instrument de sa chute, un espion à la solde du sombre Publio, et qui a été chargé de la tuer dans une carrière… meurtre qui sera mis sur le dos de l'instituteur, Marcelo Alcalá, ayant eu la malchance de tomber éperdument amoureux de cette femme trop belle et trop grande pour lui, et de tenter d'éduquer le fils d'Isabel, un petit garçon oscillant entre le génie et la folie : Andrés. Les années s'envolent pour nous emporter en 1976, date à laquelle María Bengoecha, petite avocate dévorée d'ambition, met la main sur ce qui sera l'affaire de sa carrière et enferme à vie un inspecteur un peu trop virulent, César Alcalá. Le nom vous rappelle quelque chose ? Oui, oui. César Alcalá est bien le fils de l'instituteur accusé du meurtre d'Isabel Mola. Quelques années plus tard, on retrouve María, qui tente de faire son propre chemin entre les différentes volontés s'imposant à elle. Les rouages se mettent en place et l'étau se resserre.

Elle sortit du tiroir de la table de nuit une vieille photographie sépia, le portrait d'une femme presque parfaite, au point de paraître irréelle. C'était peut-être un effet de la photographie, l'instant décisif. On aurait dit une actrice des années 1940. Elle laissait échapper la fumée grise et blanche qui voilait ses yeux et lui donnait un air mystérieux. Elle tenait son fume-cigarette avec une insouciance délicate, entre l'index et le majeur, la main droite appuyée sur sa joue, coincé entre deux volutes. Elle fumait avec gourmandise, mais sans volupté, comme s'il s'agissait d'un art, consciente de son geste. Le sourire était étonnant, il semblait lui avoir échappé. Etait-il triste ou gai ? En réalité, tout en elle était évanescent, comme cette fumée qui l'auréolait. La tristesse du Samouraï - Víctor del ARBOL

La Tristesse du Samouraï : sombre et implacable

La tristesse du Samouraï - Víctor del ARBOL [Ed. Actes Sud]
D'un pêché capital, Víctor del Árbol déroule les méandres de destins réduits en cendres ; La Tristesse du Samouraï analyse les éclats de ces vies volées, celles des générations suivant le meurtre d'Isabel Mola. Que deviennent les enfants des acteurs de ce drame ? Qui tire les ficelles ? Est-ce véritablement le sanguin Guillermo ou ne serait-ce pas plutôt le froid et implacable Publio, personnage public que l'on retrouvera tout au long du roman ? Víctor del Árbol dévoile les vies perdues de ses personnages qui héritent d'un bien lourd fardeau sans même le savoir ; au gré des pages, La Tristesse du Samouraï égrène les éléments nous permettant de reconstituer l'histoire de ces destins ne s'appartenant plus, sautant d'année en année et ne dévoilant que des bribes, nous laissant la liberté de nous perdre en conjectures afin de deviner qui se cache derrière le meurtre d'Isabel Mola et quel est le lien qui unit María à César, ou Recasens à Gabriel, l'homme qui façonna le katana La Tristesse du Samouraï, référence poétique à cette mort cruelle censée sublimer la vie du guerrier qui se la donne. La Tristesse du Samouraï nous emporte dans un tourbillon de noirceur, nous plonge inexorablement dans le vice des hommes, nous emmène au fil des pages que l'on tourne avidement sur le chemin de la rédemption… ou de l'ultime vengeance. Construit tel un puzzle poignant et dense, La Tristesse du Samouraï se sert de l'Espagne franquiste comme écrin à l'histoire brûlante de ces trois générations où les victimes deviennent de sombres bourreaux... jusqu'au dénouement ultime mettant (enfin) un terme à cette tragédie digne d'un roman russe, à cette haine sans relâche et à cette vengeance mal orientée. La Tristesse du Samouraï est un thriller passionnant, à l'écriture qui s'empare de nous. Cependant, monsieur Víctor del Árbol, j'ai une question pour vous… si vous n'écriviez pas, ne seriez-vous pas un potentiel psychopathe en puissance ? Parce que, nom d'une purée d'aisselle de bison, les scènes que vous imaginez sont d'une rare violence et d'un lugubre morbide.

Il prit alors l'enfant dans ses bras et revint lentement vers la maison des Mola. Un jour, quand Andrés serait grand, il faudrait qu'il lui explique pourquoi les choses s'étaient passées de cette façon, et comment fonctionnaient les règles complexes des adultes. Il essaierait de lui montrer la réalité absurde où les sentiments ne pèsent rien face aux raisons d'une autre nature. Le pouvoir, la vengeance et la haine étaient plus forts que tout, et les hommes étaient capables de tuer ceux qu'ils aimaient et d'embrasser ceux qu'ils haïssaient, si cela pouvait les aider à réaliser leurs ambitions. La tristesse du Samouraï - Víctor del ARBOL

Les détails du livre

La tristesse du Samouraï

Auteur : Víctor del ARBOL
Editeur : Actes Sud
Prix : 8.26 €
Nombre de pages : 528
Parution : 4 janvier 2013.

Acheter le livre


La Tristesse
du Samouraï

25 janvier 2013

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Des larmes sous la pluie : un futur haletant

. . Caroline D.